Matthieu Dessertine Fils De Philippe Dessertine – Même si le processus a été long et difficile, et que nous ne sommes pas encore arrivés au point où nous sommes bien rémunérés, il est vrai que les institutions nous suivent et que notre popularité grandit. Nous avons réussi à faire de cet endroit un endroit où les gens aiment vivre. C’est plus que suffisant pour nous donner envie d’y retourner.
Zone Critique s’est intéressée à l’adaptation scénique par Matthieu Dessertine du texte de Lars Norén pour la production de “Démons” au Théâtre des Déchargeurs [voir notre pièce ici]. Une interprétation émouvante qui propulse le spectateur dans l’univers intime d’un couple au bord du désespoir. Aujourd’hui, nous allons reparler avec Matthieu Dessertine de son approche de la mise en scène et de son rapport au matériau source.
Les mots d’Edouard Delelis : Bonjour Matthieu et merci d’avoir accepté notre entretien. Pouvez-vous nous parler de votre expérience en scénographie ? Est-ce la première fois que vous jouez une pièce de Lars Norén ?
Dessertine, Matthieu Merci beaucoup et bonjour. Oui, c’est la toute première fois. Pendant mes études de théâtre, je me suis également intéressé à la mise en scène et j’ai finalement écrit des pièces pour les jouer dans les nombreuses écoles de théâtre que j’ai fréquentées.
J’ai ensuite monté un festival de théâtre (Festival Pampa en Dordogne) et y ai monté plusieurs spectacles pendant dix ans. La première production en salle que j’ai mise en scène était Demons. J’avais l’habitude de jouer en extérieur, ce qui présente une toute nouvelle série de défis. Il est vrai que jouer dans une pièce permet de recréer l’intimité d’un appartement, ce sur quoi Norén s’intéresse largement dans ses écrits.
Ainsi, je me suis progressivement impliqué dans la scénographie parallèlement à ma carrière d’acteur, et je revendique désormais le fait que je suis le scénographe que j’aimerais le plus rencontrer. Le jeu de l’acteur et la mise en scène du réalisateur sont ce qui m’intrigue le plus.
Je n’ai aucun intérêt à susciter la controverse ou à perturber l’industrie du théâtre. J’aimerais que mes comédiens aient l’impression de pouvoir entrer sur scène aussi naturellement que lors des répétitions en créant un système de jeu, une relation avec le public et une écoute entre eux qui leur permette d’être complètement à l’aise. lors de l’exécution.
ED – Pour en revenir à Demons, quels ont été vos choix de mise en scène, et comment avez-vous réussi à transmettre la puissance émotionnelle que j’ai ressentie en entrant (grâce à l’orgue et à la vidéo projetée) et en sortant de la salle ?
Ce genre de sentiment est évoqué en lisant la pièce seule, même si Lars Norén semble avoir écrit un récit qui se contredit à chaque instant. En le lisant, on pourrait avoir l’impression d’avoir affaire à un texte de mode qui confine au style documentaire.
Cela me fait souvent penser à Depardon, et notamment à son travail dans les hôpitaux psychiatriques. C’est comme si Lars Norén entrait dans une pièce, plaçait un magnétophone devant deux couples en conversation et l’enregistrait en direct. Au cours des lectures, j’ai appris que l’auteur avait voulu mettre en scène Qui a peur de Virginia Woolf d’Edouard Albee, la version originale des Démons, mais dont il n’avait pas les droits.
C’est pour cette raison qu’il a décidé de composer son propre arrangement de la pièce d’Albee. Il s’agit donc d’une reprise d’une œuvre existante. Dans une trilogie sur la mort de sa mère, Norén revient sur cette histoire.
La vidéo de votre discours et le texte original que j’ai écrit et qui n’est pas inclus dans la pièce ont tous deux été ajoutés par moi-même. J’étais très intéressé à poursuivre ce travail, et je le suis toujours ; Je n’ai pas l’impression d’être arrivé au bout. J’espérais ressentir le fantôme de la mère décédée tout au long du déroulement de la pièce et dans l’esprit des personnages.
J’ai lu que Lars Norén était protestant et que parmi les protestants, il existe une croyance selon laquelle l’âme d’une personne décédée reste dans sa maison pendant sept jours et sept nuits après sa mort. Ainsi, l’esprit de la personne décédée persiste et exerce une influence sur la population locale. J’ai l’impression que le rôle de la mère est crucial dans le dénouement de cette pièce.
L’appel de Matthieu Dessertine marque la fin d’une résidence de création d’un mois débutée le 1er août. Dans la monotonie, tout le monde à Port-Sainte-Foy-et-Ponchapt apporte son aide en réaménageant occasionnellement le mobilier, en construisant des éléments de décoration, ou l’assemblage d’éléments utilisables. Douze membres du Pampa Art Collective présenteront cette année trois nouvelles œuvres basées sur les œuvres de Sophocle, des frères Grimm et de Dennis Kelly.
De plus, deux compagnies invitées interpréteront leurs œuvres (Guten Tag, Madame Merkel d’Anna Fournier et Je m’en vais mais l’état demeure de Hugues Duchêne), ainsi qu’une reprise du succès de l’an dernier, L’Ours de Tchékhov, viendra compléter la facture.
En 2015, le protégé d’Olivier Py et ses confrères du Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD) plantent Pampa sur cette terre théâtrale inculte. Py avait déjà découvert le jeune artiste dans Orlando et L’Impatience. Après avoir attendu encore sept ans, l’équipe voit enfin les résultats de son travail acharné et les signes de transformations futures.
Matthieu Dessertine : Lorsque je vous ai rencontré pour la première fois, nous étions un trio fraîchement sorti du conservatoire. J’ai couché sur papier les pièces que nous avions prévu d’utiliser dans notre collaboration. Nous avons commencé nos tournées en Gironde car l’un d’entre nous, Anthony Boullonnois, est originaire de la région. Au début, nous étions un groupe itinérant, jouant dans différents bars et restaurants.
Puis nous avons commencé à vouloir monter des spectacles et à chercher des lieux qui pourraient nous accueillir, sans même avoir en tête le concept de festival. Au fil des années, nous avons suivi le travail de nombreux autres musiciens, pour la plupart diplômés du Conservatoire National mais aussi de l’ESAD, de l’ENSATT et du TNS. Nous avons bougé un moment avant de nous installer sur ce lieu, et nous espérons désormais en faire une tradition annuelle permanente.
Nous nous sommes vite rendu compte qu’il n’y avait pas beaucoup de spectacles en direct à notre disposition. Il fallait gagner la confiance des locaux en leur expliquant que nous ne venions pas de Paris pour leur imposer nos valeurs, mais plutôt travailler ensemble pour produire le festival en remettant en question notre éducation après avoir quitté l’école publique et revenir dans une école publique. mode de vie plus basique.
Nous fabriquons à la main chaque aspect de nos spectacles, des scénarios que nous sélectionnons aux décors et costumes que nous concevons. Le processus créatif est un effort de groupe, même si des acteurs et actrices talentueux sont impliqués dans la mise en scène.
Matthieu Dessertine : Cela dépasse le cadre du temps de représentation. Nos efforts ont porté leurs fruits et le théâtre est désormais un centre communautaire où les gens se rassemblent pour regarder des spectacles et avoir des conversations significatives.
Certains de nos clients vont même jusqu’à devenir travailleurs semi-bénévoles en nous aidant par exemple à tracer les endroits où nous plaçons les affiches. Ce type de célébration communautaire dépasse les limites auxquelles nous sommes confrontés en tant que créateurs. L’événement n’a peut-être lieu qu’en été, mais nos liens avec la communauté locale perdurent tout au long de l’année.
Matthieu Dessertine : Nous essayons d’être le plus éclectiques possible. Chaque limitation a toujours été considérée comme possible par nous. Nous avons organisé des spectacles techniquement difficiles et d’autres juste pour rire. On ne nous a jamais dit que nous voulions une direction claire et que ce n’est donc pas une force motrice pour nous.
Cela nous permet de nous laisser guider par les avis de notre public et les besoins de nos équipes créatives. Cette année, je souhaite mettre en scène une pièce de Sophocle, mais je présenterai également une pièce de Dennis Kelly.
Aujourd’hui, nous avons envie de revenir à l’essentiel, notamment à l’art d’écrire sans détour. Nous aimerions continuer à jouer ces grands auteurs, mais nous aimerions également avoir plus de temps libre pour développer et peaufiner nos œuvres originales pour la scène.
Nous avons la chance d’avoir un soutien croissant de la DRAC, de la région et du département. Notre principal objectif à long terme est de sécuriser un emplacement « dur » et d’y construire un théâtre pouvant accueillir des représentations toute l’année, des compagnies de théâtre résidentes, des ateliers d’auteurs et des colonies d’écrivains.
Nous venons d’ailleurs de terminer la première étape de notre tournée avec notre spectacle “La vie de Galilée” aux Nuits de l’Enclave à Valréas. Le co-réalisateur Gilbert Barba a construit pour le festival un “centre dramatique des villages” qui englobe plus de trente villes. Nous serions ravis de démarrer ici une entreprise qui soit liée à lui. Ce complexe théâtral en plein air pourrait rassembler des groupes de toute la région sous une direction unique.
Dessertine, Matthieu. Depuis trois ans, nous encourageons les bénévoles à monter leur propre spectacle. Nous leur fournissons gratuitement un lieu de travail et leur fournissons les techniciens, les formateurs et l’équipement dont ils ont besoin.
Ces enfants sont scolarisés et ont à peu près le même âge que nous lorsque nous avons lancé l’événement. De plus, cette année nous avons un petit groupe d’étudiants de l’ESTBA qui viennent nous montrer un extrait de leur présentation de fin d’études.
Dessertine, Matthieu. Oui et non : si nous n’avions pas accepté l’incertitude de notre aventure pendant les six ou sept premières années, nous aurions été contraints d’y renoncer. Quiconque souhaite organiser un tel festival doit savoir qu’il n’y a aucune garantie de succès financier pendant les cinq ou six premières années.
Ce n’est que lors des deux dernières éditions que nous avons commencé à rémunérer les artistes et le personnel technique. Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli, mais nous savons aussi à quel point c’est précaire ; si certaines subventions sont supprimées demain, il sera difficile de se remettre sur les rails.