André Malraux Maladie – Né le 3 novembre 1901 et décédé le 23 novembre, il était un écrivain engagé qui a combattu aux côtés des républicains pendant la guerre civile espagnole, ainsi que le ministre français de la culture et un ami proche du général Charles de Gaulle de 1959 à 1969. .
H. Mitterrand écrit que son œuvre “s’interroge en permanence sur le sens de la vie par rapport à sa position et au rôle de l’homme dans l’histoire” (Dictionnaire des grandes oeuvres de la littérature française, p.103).
Kyo Gisors estime que son amour pour May est la seule chose plus forte que la vie elle-même dans La condition humaine. Au milieu de la nuit, ses pensées deviennent limpides : « Les hommes ne sont pas mes parents ; ce sont les observateurs et les juges de ma vie ; mes parents sont ceux qui m’aiment et ne me regardent pas ; qui m’aiment malgré tout Je suis ou je serai ; qui m’aime quoi que j’aie fait ou ferai ; qui m’aime autant que je m’aime moi-même, même jusqu’au suicide.”
J’ai partagé cet amour incertain avec elle (May) seule, comme d’autres le font avec des enfants malades et mourants en groupe. Page 46 de « Paris, Gallimard, 1946 ». Kyo se suicide tout en reflétant l’ambivalence de l’auteur sur la mort et, par extension, sur la vie : « Il tenait le cyanure dans sa main. C’était une question qu’on lui posait souvent : « Est-ce que tu pleures facilement ?
S’il était conscient qu’il se suiciderait s’il prenait la décision de le faire, il s’inquiétait également du moment où sa vie finirait puisqu’il était conscient de “l’indifférence sauvage avec laquelle la vie nous démasque à nous-mêmes” (p. 247 ). Malraux écrit dans son ouvrage autobiographique Lazare, “Quant au suicide, on a suffisamment tiré sur moi pour que je puisse le faire aussi” (Paris : Gallimard, 1974, p.104). Malraux écrit qu’il est “atteint d’une maladie du sommeil” (p.9) et qu’il est probablement déprimé et qu’il suit un traitement pour intoxication.
Il y avoue être athée sur ce qu’il y a après la mort : “Quand il mourut [son père par asphyxie en 1930], il laissa sur la table de nuit un livre de son choix, ouvert sur une page où il avait souligné la phrase : Et qui sait ce qu’on trouvera après la mort ?” La curiosité pour l’inconnu s’était glissée derrière la couverture de l’ombre suicidaire. (p.105). Malraux est perplexe que le suicide soit traité comme un acte criminel ou héroïque alors qu’en réalité il s’agit de la conduite d’un simple meurtrier.
“Le désir non dissimulé de commettre soit une faute, soit une vertu. L’homme est fait pour mourir, et il peut choisir de mettre fin à ses jours s’il le désire. Je voudrais que la vie des autres soit sacrée (elle est si courte !) , mais pas le mien (p.119). Confus et énigmatique, Malraux croit que “le droit au suicide appartient à la loi de l’Etat” (ou “le devoir de l’Etat”). Et comment se suicide-t-on, de toute façon ? quand on a passé vingt ans mois à s’étouffer avec un cyanure salvateur (p. 122).
Lazare est un bref essai autobiographique écrit par André Malraux depuis son lit d’hôpital et publié après son accès quasi fatal à la « maladie du sommeil » (L 17) en 1972. La question « Comment mourir ? est posé. Face à la mort, qu’y a-t-il à écrire ou à dire ? Les souvenirs des spasmes des francs-tireurs russes lors de l’attaque allemande de Bolgako sur la Vistule en 1916 font penser à Malraux, le convalescent de la Salpêtrière. Il tomba « comme en syncope » (L 17).
Il est important de rappeler que Malraux avait déjà placé ses personnages dans ce décor terrifiant de 1916 en relatant l’histoire vraie de la Vistule dans son roman Les Noyers de l’Altenburg – l’aventure de ces Allemands qui gagnent en aide à leurs adversaires en Russie lors d’une offensive effroyable à l’aide de gaz moutarde.
Cette “journée convulsive” (L 18) de l’anéantissement de Bolgako fait écho à la progression “convulsive” (L 17) de la maladie du narrateur à partir de la sclérose et de la paralysie, qui fait écho aux images “convulsives” (L 18) des camps d’extermination et des bombes atomiques de Bolgako.
Malraux, « travaillant sur ce qui sera peut-être sa dernière œuvre », récupère et corrige le récit de la « convulsion » sur le front russe qui l’a « hanté » et « saisi » (L19). Ce souvenir faux et plagié de la vie de Bolgako revient le hanter à la fin de sa vie car il “résiste […] à la menace de mort” (L 18) en jouant avec l’affrontement de la fraternité absolue et du mal.
Dans sa douleur, le narrateur de Lazare cherche « la région cruciale de l’âme » (L 18), et il la trouve entre pitié et désespoir sur le front russe sous forme de « révolte » (L 19), la seule émotion qui puisse existent entre la mort et la vie.
Le texte testamentaire de Lazare fait désormais partie des Miroirs des membres, et il s’avère assez éloquent pour la même raison qu’il raconte la grande et fondamentale histoire de la Vistule, dont “[i]l ne reste rien” puisque “l “Histoire effacée jusqu’à l’oubli” (L 18).
En effet, faire revivre et se souvenir de cette « fulguration » qui s’est brusquement terminée « à l’ambulance » (L 18) permet de faire plus que combattre la maladie et réfléchir sur la condition humaine ; il permet également un récapitulatif en trois parties de l’œuvre de Malraux, mettant en évidence sa métamorphose, son anti-individualisme et son autofiction, ainsi que sa trinité centrale de thèmes.
Notons tout d’abord que les rééditions des Noyers de l’Altenburg, qui occupent un tiers de Lazare mais dominent tout le livre, conservent toute l’intensité et la fraîcheur de leur cadre d’origine tout en paraissant résolument modernes et réactives.
Face à une mort terrifiante, l’auteur cherche à imiter le courage de ses ennemis allemands et russes, qui tournent le dos au pouvoir et au péril pour se sauver et se sauver. En faisant revivre les soldats oubliés, en réveillant la mémoire romanesque, en réécrivant et réinterprétant l’épisode de la Vistule, l’auteur de Lazare dresse une barrière contre l’inévitable. “Lève-toi et vas-y”, semble-t-il en train de s’écrire.
Deuxièmement, selon Bolgako, « l’individu n’existe pas » ; c’est une “préfiguration” de “l’histoire d’un des chocs les plus mystérieux de la vie” (L. 20). La fraternité est en opposition directe avec le “sauve-qui-peut” et le “chacun pour soi”, tout comme le moi agonisant est en opposition directe avec l’image édifiante des soldats portant de l’aide aux démunis.
L’anti-individualité des modèles héroïques de solidarité a remplacé l’individualisme autobiographique des éloges funèbres (expression de dernières volontés, rédaction de mémoires de remords, distribution d’absolus et de conseils).
non pas l’enfance, les amours, les tribulations ou les regrets, mais plutôt la générosité désintéressée d’actes d’abnégation qu’il ne faut pas oublier et qui servent d’hommage aux vivants en s’offrant aux morts.
Ce récit de l’histoire de Bolgako après la mort de son auteur ne doit pas s’écarter du message anti-individualiste qu’il est censé véhiculer : pas un message noueux sur l’égalité des « hommes » devant la mort, pas une proposition ténue sur l’universalité de la souffrance humaine , pas un mot d’une vie réduite en poussière, mais plutôt une fraternité qui puise sa force dans le “sacré” et qui est “le contraire de l’humiliation”, à laquelle Malraux tente de redonner à la fraternité sa valeur perdue d’ouverture et de possibilité souveraines.
Troisièmement, le recyclage de ce passage des Noyers d’Altenbourg prouve que les livres ont plus de valeur que la vie elle-même ; l’autofiction, l’autocitation et l’anti-mémoire ont supplanté l’autobiographie. En fait, l’épisode de La Vistule qui s’inspire d’un événement historique, d’une bataille réelle, retransmet avant tout le travail d’écriture qui s’approprie le réel pour le modifier et le réinventer.
Partie intégrante à la fois de la métamorphose, qui est la volonté de combattre, et de la théorie anti-individualiste, qui est l’engagement politique, cette œuvre d’écriture autofictionnelle radicalise l’imaginaire et proclame la mort de l’auteur déjà moribond pour faire place à ce qui se dit sans et par lui, entendre cette « rumeur profonde comme celle du sacrifice, de l’amour, du fantastique et de la mort » (L 139).
Malraux tue l’auteur dans son « Article de la mort ». Il insulte et blesse cet être humain réel, respirant, matériel, ce vaste sujet dont le langage est la plus pleine expression2. En effet, interrogé sur la question embarrassante de “l’Homme”, que les convives de son chevet ne cessent de se poser (question qui se pose exactement comme celle de ce “je narratif” final qui “s’affiche, se cache ou s’efface”3), Malraux répond : “l’Homme, ce sont la voix des prisonniers français du camp” (L 94).
Non un auteur “autobiographié”, non un “homme” individualisé, mais les voix qui créent, qui font récit et qui donnent sens au texte s’élèvent haut et fort dans Lazare : “la voix la plus ancienne de l’humanité, la voix du caverne où les soldats combattaient” (L. 21); « la voix des profondeurs entendue dans la sape, lancée ou étouffée par le silence de la forêt » (L. Marguerite Duras écrit qu’elle a innové en écrivant India Song en utilisant un « moyen de dévoilement, d’exploration », de “voix extérieures au récit.”