Marlène Schiappa Fonds Marianne – Rien à reprocher à Marlène Schiappa et son équipe, non ? D’un autre côté, le Comité spécial du Sénat sur l’éthique a conclu que “Marianne” est entièrement responsable de tout ce qui se trouve dans son rapport qui vient d’être publié. Ce texte est détaillé, complexe et intransigeant, et il ne fera pas avancer l’agenda de l’actuel secrétaire d’Etat à l’économie sociale et solidaire.
Le mensonge monte comme une fusée et la vérité comme un escalator. Jusque-là, c’était la ligne de défense de Marlène Schiappa – bien rodée, mais assez frêle, il faut le dire – à propos du Fonds Marianne, un appareil gouvernemental lancé avec un peu plus de 2 millions d’euros pour “combattre les discours séparatistes” en ligne. Saura-t-elle résister aux investigations détaillées menées par la commission d’enquête parlementaire et bientôt rendues publiques ?
La commission d’enquête, présidée par le socialiste Claude Raynal et comprenant le républicain Jean-François Husson comme rapporteur général, se saisit aussitôt du cas de Marlène Schiappa. Un ministre qui “a eu beaucoup de pertes de mémoire” et a fait des déclarations “confondantes et offensantes” devant des sénateurs, selon leurs propres termes. Lors d’une conférence de presse le 6 juillet pour présenter son travail, le sénateur Husson a expliqué : « À toutes les étapes de ce projet, le manque de rigueur, d’opacité et de désengagement ont conduit au fiasco.
Que faut-il en retenir ? Les sénateurs notent dans leur rapport approuvé à l’unanimité (avec « quelques rares abstentions ») que l’équipe de l’alors ministre déléguée à la Citoyenneté s’est tout de suite mis.
Et surtout lorsqu’il fallait définir les “buts” que les “candidats” devaient s’efforcer d’atteindre. Par ailleurs, les législateurs écrivent que le directeur de cabinet du ministre est intervenu pour accélérer la sélection des projets proposés par l’administration.«
On apprend par les sénateurs que le directeur de cabinet du CIPDR répond à un mail demandant de “resserrer le calendrier” trois minutes seulement après l’envoi de la proposition d’appel à projets ouvert. Ce n’est pourtant pas sans soulever quelques inquiétudes criantes.
Le cabinet du ministre considérait sans aucun doute le Fonds Marianne comme un puissant outil de propagande politique. Afin de respecter son emploi du temps, il devait agir rapidement. Une averse déconcertante quand on sait que le mécanisme de financement gouvernemental que Marlène Schiappa a officiellement dévoilé le 20 avril 2021,
Le rapport indique que “les crédits du Fonds Marianne résultent de la reliquatation des crédits de dépenses qui ne sont pas utilisés en 2020”. Le CIPDR disposera des moyens nécessaires début 2021.
Dès janvier 2021, le secrétariat général du CIPDR a évoqué la possibilité de lancer un “appel à projets à destination des associations”. Puisque “le recours aux procédures d’urgence ne trouve aucune justification fiscale”, il faut s’en remettre aux seules aspirations politiques de Marlène Schiappa pour expliquer cette précipitation.
Un groupe discrètement choisi
Cela devient encore plus important que cela. Encore plus alors. Car les sénateurs sont si durs sur le processus de sélection, disant qu’il était “bâclé”, “opaque”, et qu'”à cette occasion, le politique a outrepassé son rôle”. L’accusation est grave et mérite d’être soigneusement expliquée.
La première cible est le comité de sélection, où “les conditions n’étaient pas réunies pour assurer la qualité des décisions et leur neutralité”, comme ils le disent. Il s’agit selon eux d’un exemple de « jury endogène, lui-même inséré dans une structure hiérarchique ».
En d’autres termes, une chambre d’écho où aucune voix discordante ne pouvait être entendue. Comme nous l’avons signalé précédemment, le comité de sélection était composé de six personnalités, et ils ont tenu leur réunion le 21 mai 2021, au très emblématique Salon Erignac du ministère de l’Intérieur.
Deux agents du CIPDR (sous la supervision de Gravel) et trois membres du bureau de Schiappa étaient présents, ainsi que le directeur du CIPDR, Christian Gravel (qui a démissionné le 6 juin, après la publication du rapport d’assassinat de l’IGA).
Selon un document auquel Marianne a eu accès, les conseillers ministériels Sébastien Jallet, Jean-Marc Berthon et John Benmussa ont tous contribué à la sélection des associations.C’est à la consternation des législateurs que “ni le rapport ni le compte rendu des décisions ne mentionnent explicitement les sélections effectuées par le comité”, ainsi rien ne sortira de leurs délibérations même s’il y a eu des débats houleux, sans parler des désaccords. Voilà pour l’opacité.
INTERVENTIONNISME RÉPÉTÉ
Mais la minorité sénatoriale va encore plus loin, affirmant que “le cabinet du ministre et la ministre elle-même ont outrepassé leur rôle” à trois reprises. Le premier était “en soutenant, de manière plus ou moins explicite, la candidature d’une des associations”, en l’occurrence l’Union des organismes d’éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), bénéficiaire de la plus grosse bourse (355 000 euros) et l’organisation dont Mohamed Sifaoui a été à la fois administrateur et employé.
SOS Racisme, qui avait été précédemment admis au concours, a été disqualifié pour le deuxième motif, “en retournant le huitième d’une subvention de 100.000 euros à un organisme alors même qu’une décision favorable au comité de sélection avait déjà été interposée”.
Et pour la troisième fois, « à intégrer, en aval des décisions du comité de sélection, une dernière association [La Chance, pour la diversité dans les médias] qui n’avait à aucun moment été soumise à l’appréciation du comité de sélection (. ..) le dossier ayant été considéré comme non pertinent au domaine de l’appel à projets.” En d’autres termes, cette structure était un ajout de dernière minute à la liste des bénéficiaires, prenant la place de SOS Racisme et aboutissant à une récompense monétaire de 20 000 euros.
Cet interventionnisme remonte à l’entrée de Marlène Schiappa au ministère. Lors des auditions du Palais du Luxembourg, le sous-secrétaire du CIPDR, Jean-Pierre Laffite, a déclaré : « Une fois la ministre nommée, le cabinet de Mme Schiappa a décidé.
Avant cette réunion, le secrétaire général du CIPDR décidait seul de toutes les actions d’une certaine envergure. En conséquence, les sénateurs proposent, « en matière d’octroi de subventions », d’« interdire toute ingérence du cabinet du ministre dans l’instruction des dossiers » et de « retracer, par écrit et avec explication, toute intervention du ministre ou de ses armoire à la fin de la procédure d’instruction.
PRÉFÉRÉ DU ?
Les législateurs avancent aussi lentement sur le dossier USEPPM. Encore une fois, la ministre et son personnel sont intervenus po Sifaoui et le cabinet de l’ancien ministre déléguée ont eu au moins trois rendez-vous entre mars et avril 2021 : 24 mars, 6 avril et 22 avril.”
Nous estimons que deux de ces entretiens auront lieu avant le lancement officiel du fonds le 20 avril 2021. Les sénateurs poursuivent : « Si les documents reçus et les témoignages indiquent qu’il n’y a pas eu d’engagements financiers envers Mohamed Sifaoui, son projet a a été longuement discuté et il a été activement encouragé à le soumettre par le cabinet.” Comme le rappelle la commission, Marlène Schiappa a également participé à des échanges écrits liés à l’USEPPM. «
Le ministre délégué et un membre du cabinet ont communiqué par e-mail le 6 avril 2021, laissant entendre que le débat politique avait déjà commencé sur la demande de l’association d’une subvention de 300 000 euros. Cette référence chronologique n’est pas un détail.
En fait, le Fonds Marianne était un appel à propositions (essentiellement un concours), et certains organismes à but non lucratif ont pu participer un peu tôt puisque le mécanisme Avons-nous besoin de voir un biais ici? Pour être juste, je dois le dire.
QU’EST-CE QU’UN “BEAU PROJET”
Le fait que les membres de la commission estiment que le “bilan” de l’USEPPM est “insignifiant par rapport à la subvention perçue” ne fait qu’ajouter l’insulte à l’injure. Rétrospectivement, cela rend d’autant plus délicieuse la communication qu’un membre (malheureusement non identifié) de son cabinet a adressée à Marlène Schiappa le 6 avril 2021 :
la proposition de M. Sifaoui est “très solide, sérieuse, et à 200% en ligne avec le compteur”. Les sénateurs prétendent que ce serait une erreur de supposer que l’autorité politique a joué un rôle passif dans cette affaire.
Le rapport de l’IGA établit qu’après avoir poussé cette politique publique, “la ministre s’est effacée du processus de sélection”, a-t-elle expliqué aux législateurs enquêteurs. Ceci est le résumé officiel du rapport de l’IGA. Cependant, ce n’est pas la conclusion à laquelle aboutit le rapport de la commission d’enquête parlementaire.