Gérard Philipe Compagnon – Jean Vilar, né en 1912, s’installe à Paris pour étudier la philosophie avec Alain et le théâtre avec Charles Dullin. En 1945, il s’impose comme acteur et metteur en scène aux yeux du public parisien et de la critique avec sa mise en scène du Meurtre dans la cathédrale de T. S. Eliot au Vieux Colombier. En 1947, il crée le Festival d’Avignon, et en 1951, il devient directeur du Théâtre National Populaire, où il accueille Gérard Philipe, un jeune comédien dont les talents s’étaient révélés dans Caligula d’Albert Camus (1945).
La même année, Philipe fait sa grande percée dans Fanfan la Tulipe de Christian Jacque, un film qui l’a fait voyager dans le monde entier et a contribué à faire connaître le TNP à l’étranger. Jacques lui-même a effectué des tournées à l’étranger, notamment dans les pays d’Europe de l’Est.
Devenu le compagnon de route de Vilar, Philipe poursuit sa carrière cinématographique auprès des grands réalisateurs de l’époque (René Clair, René Clément), incarnant des premiers rôles tels que Rodrigue dans La Comédie des erreurs de Corneille, Ruy Blas et Lorenzaccio dans les oeuvres de Victor Hugo et Alfred de Musset, et le Prince de Hombourg dans la pièce de Kleist.
Philipe a accepté le risque de rejoindre la troupe théâtrale de Vilar (qui comprenait Monica Chaumette, Maria Casarès, Philippe Noiret et Jeanne Moreau) et n’a pas hésité à assumer le rôle de président du Syndicat français des acteurs en 1958 avant sa mort prématurée. .
Les productions scéniques de Vilar reposaient sur un démantèlement complet du décor, comme en témoigne la scène finale du Prince de Hombourg. Tant à Paris qu’à Avignon, il devait mettre en scène ses productions sur d’énormes scènes, il a donc été le pionnier de l’utilisation d’éclairages austères et d’éléments scénographiques audacieux – pas de décor, éclairage austère rappelant le travail des expressionnistes et costumes flashy – pour créer un expérience immersive pour le public. Vilar a fréquemment embauché des artistes comme Edouard Pignon et Léon Gischia comme assistants.
Le metteur en scène préfère être qualifié de « régisseur », pour souligner sa subordination au texte et au public ; il confie à l’humoriste la responsabilité de se connecter avec le public, et retrouve la dimension lyrique de ses performances, notamment, dans l’incantation verbale évocatrice de Philipe.
Il lui importait plus de « faire société » que de faire « peut-être du bon théâtre », et il développa quelques réflexions sur la dialectique entre le théâtre et le monde. Il mourut en 1971, laissant derrière lui l’un des plus grands festivals de théâtre au monde malgré les critiques pour ses décisions de programmation d’une grande variété de critiques et de professionnels, notamment Roger Planchon.
Éclairage multimédia
La télévision est le premier média de masse en termes de consommation globale d’images. Non seulement elle en fabrique beaucoup, mais elle parvient également à recycler un peu. C’est le cas d’un document composé entièrement de photographies prises par des membres du TNP lors de répétitions, avant des représentations et lors de tournées à l’étranger. Ce collage est mis en musique par Maurice Jarre et se structure comme un album de famille.
Aujourd’hui, à l’occasion du vingtième anniversaire de la nomination de Jean Vilar à la tête du TNP, nous nous souvenons de ceux qui sont décédés dans ce rôle. Les images ont été soigneusement sélectionnées pour évoquer des souvenirs d’à quel point c’était une aventure en tant que groupe et à quel point c’était une histoire d’amitié (la bataille de boules de neige).
Le fait que le son ait été supprimé de ces vidéos le rend d’autant plus impressionnant. C’est une célébration de ceux qui ont disparu. Ainsi, la scène finale du Prince de Hombourg (dans laquelle pas un seul mot ou cri n’est prononcé) sert de métaphore à la fois à la mort prématurée de Gérard Philipe et à la disparition du TNP à Vilar.
Si la télévision a choisi de faire revivre les morts, elle ne leur a pas donné de nouvelles voix pour remplacer celles qui se sont perdues ou restauré le calme définitif qui s’est emparé d’un concept théâtral particulier. Ainsi, au début des années 1970, la télévision est devenue un puissant agent de mémoire collective, créant un passé mythifié par un recyclage intensif des images.
L’amitié entre Georges Perros et Gérard Philipe, puis entre Anne Philipe et Georges Perros après la mort du grand comédien, est relatée ici en 125 lettres inédites. En 1944, au Conservatoire, les futurs comédiens Georges Perros et Gérard Philipe se sont rencontrés. Amis jusqu’à la mort de Gérard en 1959, au moins. Commence alors un échange nostalgique entre la femme de l’humoriste Anne Philipe et Georges Perros, devenu écrivain. Ces lettres sont inédites et sont accompagnées de nombreuses photographies de famille.
Gérard Philipe Compagnon : Jean Vilar
A l’origine, à l’époque de la Libération, il y avait une confrérie d’armes. Les deux jeunes comédiens se promettent de grandir ensemble et de ne jamais se laisser tomber après s’être rencontrés au Conservatoire d’art dramatique où ils ont tous les deux étudié avec Georges Le Roy.
L’un d’eux est né à Cannes en 1922 ; il s’appelle Gérard Philipe, et il avait déjà choisi un pseudonyme au début de notre correspondance. Il a interprété l’Ange dans Sodome et Gomorrhe et Caligula de Jean Giraudoux et Albert Camus, respectivement, et a tourné des rôles dans La Petite Boutique de fleurs et Le Pays sans étoiles de Marc Allégret et Georges Lacombe. Il a une apparence férocement belle.
L’autre est Georges Poulot, né dans le quartier des Batignolles à Paris en 1923. Prévoyant initialement d’étudier le piano, il a finalement décidé que jouer serait un meilleur moyen de dissimuler sa véritable identité. Il a “un visage à vendre” et fantasme de changer d’apparence. Fort d’un deuxième prix de comédie, il est admis à la prestigieuse Comédie-Française, où il se rend vite compte qu’il n’est pas content.
Gérard a le sens de la scène mais ne s’en rend pas compte, tandis que Georges est conscient qu’il manque de génie. Le premier est censé se prélasser dans la gloire du soleil, tandis que le second est censé être laissé à l’ombre. L’un roule tandis que l’autre gronde sur les freins.
Leurs chemins auraient dû diverger mais se sont plutôt entrelacés et même parfois confus. Car même si leurs destins semblent s’opposer, Georges, le lecteur méticuleux, et Gérard, l’acteur fétiche, partagent une passion commune pour la grande littérature et un engagement pour des causes politiques de gauche : la TNP de Jean Vilar.
Le premier est à Cergy, où le protagoniste de Fanfan la Tulipe a acheté un beau domaine rempli d’arbres centenaires, de jardins en terrasses et d’un emplacement en bord de rivière au milieu des années 1950. Il y vit avec sa famille : épouse Nicole Fourcade, aujourd’hui connue sous le nom d’Anne Philipe ; leur fils Alain; et ses filles Anne-Marie et Olivier.
Au moment où ils s’installent, Georges arrive. Maintenant qu’il a son propre espace, il prévoit d’y passer beaucoup de temps avec son cocker noir nommé Zita. C’est un membre de la famille qui joue du piano et guide Anne-Marie et Olivier dans leurs premiers pas.
Enfin, à Cergy, Poulot devient Perros, compilant les notes, aphorismes et apostilles qui constitueront le premier et le plus important livre des Papiers Collectés. Il apparaît en 1960, un an après la mort de Gérard Philipe. Il y a un passage profond sur un ami disparu, un frère perdu et un double homicide : “Il a rassemblé en lui tous les espoirs et les rêves, avoués et ouverts, les espoirs et les rêves physiques de toute une génération.”
Il était la manifestation physique d’un besoin collectif mal défini précisément parce qu’il exigeait qu’une personne s’exprime. Quelle était la source de son charisme indéniable ? C’était sa grâce maure, un mélange de désinvolture et de sérieux, de joie et de tristesse, de force et de finesse. Amour et cynisme, les deux. Un charme déconcertant et une grâce de faune ; des dents acérées et un sourire qui fait grimacer même les tigres.
Puis, telle une fleur sauvage jaillissant des décombres, une deuxième correspondance s’épanouit entre Anne Philipe et Georges Perros, comme si la veuve et l’ami, enterrés côte à côte dans le pittoresque cimetière de Ramatuelle, avaient décidé d’essayer de rattraper la perte. ils ont tous les deux vécu.
Ils ont partagé tellement d’expériences et de secrets qu’il est impossible de tous les compter. Ils souffrent d’un terrible désir de temps plus simples. Ils se souviennent tous les deux des bons moments passés à voyager avec le TNP, du déchirement de la phalange de Cergy et de la liberté des promenades à ciel ouvert dans une vieille Ford cabossée.
Anne et Georges vont tenter de se rapprocher malgré la distance qui les sépare depuis près de vingt ans, tout en vivant sous l’ombre permanente de Gérard Philipe. Elle est rédactrice en chef chez Julliard, et tandis qu’elle passe ses journées à Paris, elle s’évade à Ramatuelle l’été. Il s’installe à Douarnenez l’année de la mort de son frère Gérard et ne le quitte plus. Depuis la parution de son premier livre, Temps d’un soupir, en 1963, Anne a écrit de nombreux romans, essais et nouvelles.
Elle a beaucoup de respect pour l’auteur de Papers Collected mais a peur de son goût littéraire. C’est comme s’il essayait de pousser ou de faire dérailler le destin en poursuivant sa correspondance avec Gérard, le grand garçon négligé à qui il s’est un jour écrié : « C’est bien de te savoir avec moi sur le globe », et qui a aussitôt répondu : « J’ai hate de te coudoyer.” Depuis, il lui écrit et Anne semble déterminée à l’aider à le faire.