Affaire Brigitte Dewèvre – Il y a près de cinquante ans, éclatait l’affaire de Bruay-en-Artois. Le 6 avril 1972, le corps de Brigitte Dewèvre est découvert dans une zone inondée d’une cité minière. La presse et l’extrême gauche s’accordent sur des faits différents. Cependant, l’affaire non résolue peut enfin avoir une conclusion.
C’est une jeune fille qui vit avec sa famille à Bruay-en-Artois, anciennement Bruay-Labuissière, fosse 4 coron. Le soir du 5 avril 1972, elle quitte le domicile familial pour passer la nuit chez sa grand-mère. Son corps sera retrouvé le lendemain après le déjeuner, partiellement dévêtu, dans une zone marécageuse ; elle a été étranglée avec une corde faible.
La presse arrête de couvrir l’histoire après que les soupçons se soient d’abord dirigés vers un notaire de la ville, et l’extrême gauche dénonce une représentation macabre de la lutte des classes. Au fil des mois, les émotions de l’adolescent se refroidissent et leurs fausses pistes se multiplient, rendant impossible l’identification du meurtrier.
5 ans de contre-enquête. Le garçon de la campagne Daniel Bourdon. Il est né à Bruay, son père était mineur et il jouait au football avec l’un des frères Dewèvre. Cependant, Daniel Bourdon est aussi un vieil escroc. Il a passé toute sa vie professionnelle à Paris, où il a passé ses nuits à « cueillir » des drapeaux.
Près de cinq ans se sont écoulés au cours desquels il a enquêté de manière approfondie sur l’affaire et recueilli de nombreux témoignages. Au fil du temps, les barrières linguistiques se sont érodées et le fait que je sois natif de la ville m’a valu la confiance de mes contacts internationaux. Une octogénaire lui confie le secret longtemps gardé que son ancien mari, facteur à Bruay, a avoué un crime et qu’il a brusquement quitté les lieux.
Une question prescriptive à portée de main
L’ancien flic a enfin rencontré celui qu’il croit être le meurtrier de Brigitte Dewèvre. Le livre le plus récent de Daniel Bourdon donne un récit détaillé de ce qui s’est passé dans la ville minière abandonnée lors de cette nuit fatidique. Cependant, à partir de 2005, non seulement l’affaire a été classée, mais elle a également été prescrite. Si je le dis clairement, il peut me poursuivre en justice et gagner.
L’auteur devra se contenter d’un sens du devoir rempli. Reportage sur les lieux du meurtre de Brigitte Dewèvre à Bruay-en-Artois. Les maisons de la classe ouvrière et les champs boueux séparant les quartiers pauvres et bourgeois sont tous visibles dans cette vue grand angle.
Celui qui est mis en cause est un notaire et un “notable” qui possède une villa au Touquet, un yacht et un domaine de chasse privé. C’est une personne forte et appréciée dans son domaine. Sa culpabilité par association a fait éclater les tensions sociales à Bruay.
Bruay-en-Artois est la première ville minière de France. L’industrie charbonnière a donné naissance à cet « assemblage de couronnes plus qu’une ville » (1) au XIXe siècle. Comme la partie ouest du bassin minier, elle a été l’une des premières zones touchées par la politique de récession. Les ingrédients nécessaires pour amplifier et instrumenter quelque chose de différent sont là.
Pascal, le président du tribunal, concentre ses soupçons sur lui malgré l’absence de preuves. Puisque le juge prône une « justice à ciel ouvert » favorable à la médiatisation (2), son interrogatoire le 11 avril puis sa mise en examen et son incarcération le 13 avril ne tardent pas à susciter l’indignation publique.
Le journal télévisé du 16 avril 1972 est un exemple probant du langage polarisant alors couramment utilisé par les journalistes pour décrire les événements : « un terrain vague » sépare « les mineurs des aisés », les « notables », et « au beau milieu de cette frontière qui balafre la ville » se trouve Brigitte, qui « appartenait au monde de la mine ».
Dans une ville minière pauvre, le notaire local a été imprégné de toutes les caractéristiques d’un méchant : il est riche, membre du Rotary, un “joueur de tennis chic” et un fervent catholique. Au-delà des clichés, la citation saisit l’essentiel de ce qui fait de la chronique judiciaire un événement politique et social.
Ce n’est pas seulement la brutalité du crime lui-même ; le cadre fait également des ravages dans l’esprit des gens. D’un côté, les tristes petites maisons au confort sommaire, de l’autre, la somptueuse demeure de Monique Mayeur avec son immense parc encastré dans le sol boueux.
Cette bourgeoisie commerciale et libérale semble florissante et même profiter du renouveau industriel ; Pierre Leroy, par exemple, est en charge des transactions immobilières pour les Houillères et est grassement payé pour ses efforts. Une société non affectée vit confortablement, bien qu’avec des étalages de richesse restreints, contrairement à une aristocratie ouvrière traditionnelle qui convoite les biens de consommation mais craint la disgrâce sociale.
Mais dans la foulée de Mai 68, il n’en faut pas plus pour que le mouvement maoïste s’empare des faits divers et en fasse une cause politique. Elle s’en sert comme d’un outil pour diffuser ses idées et s’implanter dans une région minière traditionnellement dominée par le clivage entre socialistes et communistes.
Avec La Cause du peuple, l’organe de la Gauche prolétarienne piloté par Serge July, dont le numéro du 1er mai n’hésite pas à s’intituler : « Un Comité pour la Vérité et la Justice », dirigé par l’ancien mineur Joseph Tournel, lui sert de fer de lance.
Et maintenant, ils tuent aussi nos enfants ! La destitution du juge Pascal en juillet offre une occasion supplémentaire de rejeter la faute sur un système judiciaire bourgeois pour avoir protégé une personne liée aux Houillères. François Ewald, professeur de philosophie au lycée de Bruay et membre de la Gauche prolétarienne, apporte également son soutien à la cause, qui ne fait pourtant pas consensus au sein de l’organisation et risque même de précipiter sa disparition.
Une zone floue entre quartiers aisés et maisons populaires. Une zone d’herbes hautes et d’ordures qui sépare les pauvres des privilégiés. D’un côté, il y a les coroners, les femmes qui attendent aux fenêtres derrière les rideaux, les enfants, les nombreux enfants qui jouent sans encombre avec le terril et le fossé en toile de fond, et les mineurs à la retraite, qui semblent un peu surpris d’être encore là. De l’autre côté de cette zone, au-delà des champs verdoyants et des châteaux, se trouvent les demeures de la noblesse.
Mais c’est ici, au partage conditionnel, là où personne ne se croise jamais, là où la bourgeoisie de Bruay ne mettrait jamais les pieds, à la lisière des jardins. Elle était issue de l’industrie minière, mais son corps a été découvert dans le monde des affaires. Et l’homme qui a été pointé du doigt comme son assassin est un notaire, un notable, l’une des personnalités les plus influentes de la ville.
C’est la folie totale à Bruay. On disait que plus qu’une condamnation ou même une preuve d’un premier juge, il fallait de la bravoure pour porter plainte contre Maître Leroy. Maître Leroy est un fervent catholique et un joueur de tennis de classe mondiale qui possède également une villa au Touquet, une maison à Houdain, des propriétés à la campagne, une réserve de chasse privée de 60 hectares peuplée de chevreuils et faisans, et un yacht amarré à Boulogne. L’inculpation de Maître Leroy dans la ville du Pas-de-Calais attise les tensions sociales.
Les opinions sur le devoir du notaire envers le public sont discutées à la fois dans les quartiers les plus aisés et dans les cafés plus bohèmes. Dans cette société, des factions surgissent, la classe moyenne veut soutenir les notables, les riches se taisent et les pauvres serrent les poings. C’est presque comme si le destin avait contribué à réunir une jeune femme et son assassin au milieu de la nuit.
Deux enfants jouaient avec un ballon sur un terrain boueux à Bruay-en-Artois, en France, le 6 avril 1972, lorsqu’ils ont vu une silhouette nue allongée dans un coin du terrain. C’est une jeune femme. Son cou et sa poitrine sont tachés de sang. Le malade ne respire plus.
Les policiers et gendarmes arrivent rapidement. Les juristes établissent que la mort s’est produite tout au long de la nuit. L’autopsie confirmera que le petit enfant a été étranglé à mort. Elle a été frappée à l’arrière de la tête avec un instrument contondant (serpette, hachoir, hachette) moins de trois minutes après sa mort.
La victime, une jeune fille prénommée Brigitte Dewèvre, est rapidement reconnue comme une adolescente de 15 ans. Des témoins sont recherchés par la police judiciaire de Lille. La dernière fois qu’elle a été vue vivante, c’était le 5 avril vers 19h40. Un témoin affirme avoir vu une Peugeot 504 blanche garée à proximité au moment de l’acte odieux. Me Pierre Leroy, avocat à Bruay, est propriétaire de cette voiture.
A nos invités
Maître de conférences à Sciences Po et auteur de “Il n’y a qu’un bourgeois pour avoir fait ça : L’affaire de Bruay-en-Artois” (Larousse), Pascal Cauchy L’auteur de “Brigitte, Histoire d’une Contre-Enquête : Retour sur l’Affaire de Bruay-en-Artois” et de “Brigitte : Acte II : Affaire de Bruay-en-Artois, de nouvelles révélations” aux éditions Ravet-Anceau est l’ancien policier Daniel Bourdon.